Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/508

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Joseph était grave. Il y avait comme du mystère dans ses yeux…

Je ne tenterai point de décrire cette journée, tous les multiples incidents, toutes les folies de cette journée. Le procureur de la République, mandé par dépêche, vint l’après-midi et commença son enquête. Joseph, Marianne et moi, nous fûmes interrogés l’un après l’autre, les deux premiers pour la forme, moi, avec une insistance hostile qui me fut extrêmement désagréable. On visita ma chambre, on fouilla ma commode et mes malles. Ma correspondance fut épluchée minutieusement… Grâce à un hasard que je bénis, le manuscrit de mon journal échappa aux investigations policières. Quelques jours avant l’événement, je l’avais expédié à Cléclé, de qui j’avais reçu une lettre affectueuse. Sans quoi, les magistrats eussent peut-être trouvé dans ces pages le moyen d’accuser Joseph, ou du moins de le soupçonner… J’en tremble encore. Il va sans dire qu’on examina aussi les allées du jardin, les plates-bandes, les murs, les brèches des haies, la petite cour donnant sur la ruelle, afin de relever des traces de pas et d’escalades… Mais la terre était sèche et dure ; il fut impossible d’y découvrir la moindre empreinte, le moindre indice. La grille, les murs, les brèches des haies gardaient jalousement leur secret. De même que pour l’affaire du viol, les gens du pays affluèrent, demandant à déposer. L’un avait vu un