Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/114

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qu’ils lâchent M. Ernest La Jeunesse, depuis qu’ils sont convaincus que ce jeune écrivain a beaucoup de talent et beaucoup d’avenir, ils n’en revendiquent pas moins, Deschamps par devant, Doumic par derrière, le remords flatteur de l’avoir découvert, chacun à sa date et à son rang.

Je me demande comment s’établira jamais l’histoire de cette émouvante découverte qui devient aussi compliquée que celle de l’alcool ou de la poudre à canon. Songez que les compétiteurs à la découverte de M. Ernest La Jeunesse ne se bornent pas à ce trio de joyeux universitaires. Ils sont aussi nombreux que les villes de la Grèce qui, jadis, se disputèrent l’avantageux prodige d’avoir donné le jour à Homère, ceux qui, aujourd’hui, se disputent cette gloire ou ce repentir d’avoir découvert l’imberbe auteur de l’Imitation de Notre-Maître Napoléon ; et ils entendent bien réclamer. Quelques mémorialistes, connaissant à fond les dessous de ce temps, insinuent aussi que M. Anatole France et M. Maurice Barrès n’auraient pas été étrangers à cette découverte si disputée ; mais, tous comptes faits, ils ne peuvent y croire. Ils ne peuvent y croire pour de fortes raisons qu’ils ne donnent pas et qui sont, paraît-il, sans réplique. En attendant que cette question embrouillée soit élucidée, à la satisfaction de tous, me voilà donc, encore une fois, avec une découverte de plus sur les bras. Heureusement