Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/175

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ce formidable appel de résurrection qu’il fait entendre, et qu’il faut entendre, si nous ne voulons pas mourir… Aussi nous ne devons pas nous arrêter à ce que nous pouvons, çà et là, trouver d’illogique et d’arbitraire en cet Évangile. L’arbitraire est ici une nécessité supérieure de composition. Ce qui, partout ailleurs, serait jugé comme une convention, n’est que de la simplicité ; de la simplicité voulue, la simplicité héroïque qui convient aux œuvres éternelles. Il fallait, à la coulée divine de la famille Froment, à l’admirable progression de ses enfants et de sa fortune laborieuse, l’ombre des familles qui s’éteignent, qui s’abandonnent à la mort, et à la déchéance, il fallait ces Seguin légers, inconscients, peu à peu vicieux et dégénérés, ces Beauchêne débauchés ou atrocement orgueilleux, dénaturés pour l’amour du nom, cette Séraphine éhontée, calme dans ses dérèglements, corruptrice et triomphante, jusqu’au moment où, de n’être plus femme, elle ne sera plus vivante, et ce déplorable Morange, deux fois veuf de sa femme et de sa fille, pour n’avoir amassé, travaillé, que pour la fille unique, qu’il voulait riche, belle et heureuse ; il fallait, surtout, cette fatalité de tous les fils uniques mourant et ne laissant, après leur disparition tragique, que le désespoir, la ruine, et la honte des stérilités volontaires.

Il y a des pages d’une acuité de bistouri débridant une plaie… d’une odeur d’hôpital sous