Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/176

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le grand ciel de la pleine vue, et sous le soleil cru de la vérité : les opérations qui tuent les organes de la vie, les matrones qui volent les nouveau-nés et qui les vouent à la mort, les chirurgiens du néant, la lamentable famille Moineaud, victime de la société !… Ce sont des figures, des âmes, des scènes d’enfer. Leur désolation et leur cruauté ne furent jamais égalées et paraîtront, à quelques-uns, excessives et pas toujours justifiées… Elles sont nécessaires, pourtant, car le réconfort est certain à retrouver le lait, le sang pur, le soleil, les moissons, les arbres de la famille Froment, et ce domaine de Chantebled, verdoyant, jaunissant, repris sur la jachère et sur le désert, toujours accru, humanité d’épis, rayonnement d’étoiles qui s’uniraient pour jaillir en sources… Là, la mort hideuse peut frapper, elle peut enlever les plus beaux, les plus chers de la famille, un fils, une fille… Qu’importe !… Les trous se comblent, la vie triomphe nécessairement de la mort ; l’effort dans sa diffusion, par-dessus les haines et les rancunes, va partout, emplit la campagne, Paris, l’Afrique vierge, en tous endroits où il y a de la vie à conquérir… C’est la conquête du monde, la victoire du Mieux et du Beau, et du Bien, et c’est l’apothéose sublime, auguste et jeune des vieux chênes, qui ont porté haut des branches, et qui rayonnent sur l’univers et sur l’avenir, de leur soupir accouplé, de leur même sourire fécondant, heureux et libre d’éternité !…