Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/21

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certainement rempli avec honneur d’importantes fonctions de l’État.

M. Keunan nous dit leurs noms, leurs origines, leurs travaux, leurs espérances, la forme de leur esprit ; il nous les fait connaître et aimer.

Au bout de quelques mois dans cette nature ingrate et stérile, sur ce sol désolé et mort, privés de tout ce qui peut rendre moins amer l’exil, ils ne tardent pas à dépérir. Ceux-ci préfèrent s’arracher, tout de suite, à l’agonie douloureuse et lente de cette existence qui est déjà la mort ; ceux-là s’éteignent de consomption et de langueur. Quand arrive le terme de leur libération, il y a déjà longtemps qu’ils dorment dans le petit cimetière du village, à deux mille lieues de ce qu’ils ont aimé.

Je voudrais pouvoir reproduire tous ces récits tragiques, par quoi saigne et pleure le livre de M. Georges Keunan. Je me bornerai à en détacher un seul, de cette suite sinistre. Je ne le choisis pas spécialement, je le prends au hasard, car tous ont ce caractère d’indicible et épouvantante horreur.

« En 1879, un jeune médecin, très capable, le docteur Belloj, vivait à Iwangoroff, dans la province de Tchernigoff. Quoique libéral, il n’appartenait pas au parti des agitateurs et des