Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/211

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dionaliser ma joie pour la mettre au même ton que la sienne… Mais qu’est-ce que tu fais ici ?…

Le ministre sourit, et caressa ses belles moustaches, virgulaires et pommadées :

— Mais, mon vieux, répondit-il… je surveille… le cahier des charges… Ce n’est pas une sinécure d’être ministre… Il faut bien gagner les appointements que me donne la France…

Il ne cessait de m’examiner… et, me tapant familièrement sur l’épaule, il s’exclamait :

— C’est curieux !… tu es toujours le même… Tu n’as pas changé…

— Toi non plus, répliquai-je… Je te retrouve aussi joli garçon.

— C’est le métier !… Qu’est-ce que tu veux ?… Puisque l’ironie des choses veut que j’enseigne le beau aux populations, il faut bien que je prêche d’exemple !… C’est égal… je suis bien content… Tu ne peux pas savoir à quel point tu me manquais… Je le disais, chaque matin, à Pol Neveux : « Ce bougre-là, il me manque !… Quand je ne le vois pas, il me semble que je suis un peu moins ministre !… »

Il était tellement heureux de me revoir que je vis le moment où il allait me décorer sur place. Il comprit les craintes qui m’agitaient et, très amicalement, en bon garçon, il me rassura :

— Que tu es bête !… me dit-il… Je ne te ferai