Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/235

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enfin, pouvait lui fournir de signatures pompeuses et de sobriquets argotiques… Ah ! c’étaient de bien beaux articles !… Avec quels superbes dédains il disait : « Nos élégances ! » Il fallait voir l’âpreté vengeresse qu’il mettait à accuser la République « d’avoir décapité nos élégances » ! Et quelles railleries impitoyables sur les pantalons mal coupés, les redingotes de cuistre, les cravates sans harmonie « des nouvelles couches » ! Pour lui, qui disait républicain disait loqueteux, mendiant, voyou… Ah ! nos élégances… nos élégances ! Où étaient-elles ?… Et il se grisait de poudre, de parfums, de diamants, de dentelles, d’épaules nues… Avec une rigueur impeccable, il codifiait la toilette des hommes, les chapeaux, les bottines, les plastrons de chemise… Il décrivait la succulence des tables, la somptuosité des écuries, l’ameublement des salons… Après quoi, il s’en allait dîner à la brasserie… et, tristement, en face d’un bock, sur une table graisseuse, il avalait une choucroute que la pitié du patron inscrivait sur des ardoises rarement effacées.

Et je ne sais pas pourquoi je me suis rappelé ce pauvre diable à propos du vieil habitué du Gaulois. Ces souvenirs me revenaient en lisant l’article dont j’ai parlé. Et cet article, je le lisais tout haut, tandis que mon valet de chambre allait et venait dans la pièce. Quelquefois, François interrompait ma lecture d’un haussement