Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/89

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« C’est M. Henry Houssaye, un jeune homme qui a traduit du suisse le Cheval de Phidias, de M. Cherbuliez… Un grand avenir. » Je nageais en pleine Grèce, alors… Alcibiade… les vases étrusques… Épaminondas… je ne sais plus quoi encore !… Du fait de cette tête de médaille que, par un coup de fortune, je m’étais imposée, je conquérais une personnalité !… Mon austère jeunesse corrigeait ainsi la vieillesse légère de mon père, et ce que sa notoriété avait de trop frivole… J’opposais à ses héroïnes galantes les grandes figures de l’antiquité et du quarante et unième fauteuil, où l’on ne s’assied jamais. Je faisais le quarantième, où je me prélasse aujourd’hui.

— Vous pensiez déjà à l’Académie ?

— Naturellement… À quoi vouliez-vous donc que je pensasse ?… J’y ai pensé tout petit… à l’âge où les enfants jouent aux billes, moi, je jouais à l’académicien… Généreuse enfance et dont je me souviens avec attendrissement !…

— Et puis ?

— Et puis, quoi ?

— Vous avez une tête de médaille… c’est quelque chose, soit !… Mais cela ne suffit pas à vous ouvrir les portes de l’Académie… Vous avez bien dû vous livrer à quelque autre travail, sinon plastique, au moins intellectuel…

— Certes !… Et cela me fatigua extrêmement… Pendant des années et des années, j’ai été bien gentil, bien sage, bien respectueux…