Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un débutant inquiet, irrésolu, qui recherche et marche en tâtonnant, à la remorque d’une école ou dans l’ombre d’un maître. Débarrassé des influences inévitables qui pèsent sur les commencements d’un écrivain, son talent s’est dégagé. Il a grandi dans l’air libre, poussé des branches robustes et fleuri de belles fleurs. De plus, M. Léon Hennique a passé par le théâtre qui fait les renommées rapides et universelles. Sa Mort du duc d’Enghien, récemment représentée au Théâtre Libre, avait même beaucoup réussi. Le dramatique sobre et fort de ces vivantes scènes intéressa, remua les plus glacés, les plus prévenus, ceux-là qui, par parti pris contre les tentatives artistes de ce théâtre, dénigrent à l’avance toutes les pièces qu’on y joue, et qu’ils appellent des œuvres de contrebande. On pouvait donc espérer que M. Léon Hennique était désormais sorti de l’ombre.

Hélas ! quelques mois à peine séparent la représentation de La Mort du duc d’Enghien de l’apparition d’Un caractère. Et le silence est revenu. Non pas tout à fait le silence, car cette œuvre charmante a été, par deux ou trois vénérables chroniqueurs, traitée d’incompréhensible, sans doute parce qu’elle s’élève au-dessus des pauvres conceptions, des platitudes ordinaires du roman. Quant à l’auteur, il a été jugé d’un mot : on a dit que c’était un « fumiste », parce que l’on ne sent en lui d’autres préoccupations que celle de se satisfaire, « de se plaire »,