Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/145

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ou Mantegna, ou Carpaccio, ou Fra Lippi, ou bien Detaille, Bonnat, Henner, avec quelques Claude Monet, quelques Degas, quelques Burne-Jones ça et là, car il en faut de toutes les écoles et pour tous les goûts.

On parlera aussi de vos divans « profonds comme des tombeaux » et de vos chers livres interfoliés de notes exquises. Ah ! si exquises ! Vos tapis seront vivement célébrés, et l’on dira quelle est votre fleur favorite, une fleur très pâle, mourant comme une âme, dans un vase. Et parmi toutes ces beautés évolueront des jeunes gens, poètes en espérance, apprentis littérateurs, qui vous appelleront « le maître », et que vous dirigerez, chaque soir, vers les bureaux de rédaction, chacun chargé par vous d’y jouer son petit air de flûte en votre honneur.

Chaque fois que vous vous déplacerez, vous ferez annoncer cet événement considérable dans tous les journaux. Il est important que ces déplacements s’opèrent à périodes fixes, peu éloignées l’une de l’autre. Dans le cas où de très vulgaires affaires vous retiendraient à Paris, vous n’en ferez pas moins annoncer votre départ pour quelque endroit renommé ou dangereux. Suivant la saison, l’Angleterre vous attirera, ou bien la Suisse. Vous pousserez même la témérité jusqu’à explorer, de temps à autre, quelquefois de votre fauteuil, des îles mystérieuses, d’où vous rapporterez des observations comme celle-ci : Que vous vous êtes promené dans le seul landau du