Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fois représenté M. Caro, prêchant l’amour au milieu des étoffes chatoyantes et perdu dans les épaules nues — mais de philosophe avide de calme, amoureux de la nature, à qui sont inconnues les misères des vanités urbaines et des basses glorioles de salon.

Avec son jardinet, ses fleurs discrètes mêlées aux plantes potagères, son absence de luxe lourd, son bon air de joie champêtre, ses fenêtres au regard d’ami, et ses vieux murs souriant dans leur barbe verte, cette maison m’émeut comme une injustice. À la regarder si sereine, si volontairement perdue dans ce coin de campagne où n’arrivent plus les rumeurs de Paris, cela m’attriste. Entre la légende de celui qui l’habita et elle, il y a une évidente contradiction. Ou c’est la maison qui ment, ou c’est la légende qui est fausse. Et je sens que la maison ne ment pas. Rien qu’à passer devant elle, on devine que les âmes qui l’animaient devaient être simples, douces et bonnes, et, derrière ces murs, l’on reconstitue aisément toute une vie saine faite de travail pur et de modeste bonheur. Autour, ce sont des demeures de paysans, à peine moins blanches et d’apparence à peine moins luxueuses qu’elle. Elle se distingue des autres, ses voisines, par la blancheur ornée de ses rideaux, par la fantaisie de ses fenêtres, croisillonnées de plomb, et par de menus embellissements, où se plaisent le goût et la vigilance des ménagères averties. En face, l’esplanade se déroule ; des verveux y sèchent