Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/158

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heure », a-t-il fait placarder par d’odieux camelots, l’inévitable mensonge ! mensonge !! mensonge !!! par où se reconnaît le candidat qui est un vrai candidat ! Qu’a-t-il écrit ? Qu’a-t-il dit ? Je voudrais le savoir.

Je voudrais le savoir et je tremble de l’apprendre. Et voici pourquoi :

On demandait à un de nos plus grands philosophes, qui a écrit sur la politique des pages admirables, pourquoi il s’était toujours et si soigneusement tenu à l’écart de toute politique active et militante.

« C’est, répondit le philosophe, que la politique active exige des aptitudes spéciales au mensonge et à la sottise que je n’ai pas. Pour être nommé à quoi que ce soit, il est nécessaire d’être aussi bête que le suffrage universel, ou de le flatter en débitant et en faisant siennes les incommensurables inepties qu’il aime. Je ne m’en sens pas le courage. Je réfléchis, j’observe, je m’instruis, et ce que j’ai à dire, je le dis dans mes livres. Il y a toujours quelqu’un — quelque part — un esprit frère du mien à qui cela fait plaisir. Mais que voulez-vous que je dise à des électeurs qu’ils comprennent ? Que voulez-vous que je dise à des députés qui ne les fasse sourire de pitié ? Dans l’état actuel de nos mœurs, de notre éducation, la politique active n’est permise qu’à des oisifs qui s’imaginent être quelque chose en étant députés, et que la seule vanité pousse à solliciter un mandat législatif, comme d’autres à monter un équipage