Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/159

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de chasse et une écurie de courses ; elle est permise aux ratés qui, n’ayant réussi en rien, sont toujours assez bons pour faire partie d’un groupe et pour voter avec ce groupe des choses généralement absurdes, qu’ils ne comprennent pas, eux qui les votent, ni le groupe qui les fait voter, ni le chef de groupe qui les a élaborées. Enfin, je défie à un savant, à un littérateur, à un artiste, de se présenter à des électeurs dans l’intégrité des opinions et de sa conscience, et de leur dire : « Prenez-moi tel que je suis. » Non, non… la foule a l’épouvante de la vérité et l’horreur de la beauté. Elle choisit seulement les hommes qui sont faits à son image.

Je me rappelais ces paroles en lisant, l’autre jour, dans un journal la phrase que voici : « La politique est un art d’expérience et d’observation, appliqué à créer, pour les hommes, la plus grande source de bonheur possible ».

Cette définition m’a paru admirable. Elle m’a paru admirable par elle-même aussi et surtout par ce fait aggravant que ce n’est ni Vincent de Paul, ni Léon Tolstoï, ni un rêveur, ni un poète, ni un fou, ni un mystificateur, ni un ironique qui nous la donnent, mais un opportuniste à l’esprit rassis, au cœur pondéré. Je ne m’attendais pas à voir un opportuniste se livrer, même dans le platonisme d’une définition, à un si imprévu accès d’axiomatique