Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/169

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me réchauffe et me vivifie. Je l’aime comme j’aime l’air parfumé que nous respirons ici, comme j’aime le soleil transparent qui, sur les coteaux blonds, dore les citrons, fait flamber les oranges et donne au mouvant feuillage des oliviers ces reflets de soie, brillants, changeants, que vous admirez tant. Tandis que les autres écrivains évoluent vers l’Allemagne, l’Angleterre et la Russie, lui est resté de sa race. Et sa race est française. Il a la clarté, l’élégance, la tendresse et l’admirable ironie, qui sont les qualités de votre sol intellectuel. Ne vous étonnez point, après avoir vanté l’obscurité de M. Stéphane Mallarmé, de mon enthousiasme pour la limpide clarté de M. Alphonse Daudet. J’ai le bonheur d’être un éclectique et de multiplier ainsi, par des sensations différentes et vives, les joies que me procurent les œuvres d’art. Or, tous les deux éveillent en moi des rêves dissemblables, il est vrai, mais qui, par leur dissemblance même, embellissent ma vie et doublent l’activité de mon esprit… D’ailleurs, n’est-ce pas une des surprises les plus charmantes de la conversation, que ces inattendus rapprochements de noms, si loin l’un de l’autre pourtant, et qui feraient sourire de pitié les critiques ? … Tenez, une chose m’afflige… Lorsque, dans un journal français on parle de M. Alphonse Daudet, ce qui est fréquent, il est rare qu’un parallèle ne s’établisse pas aussitôt entre l’auteur de Sapho et M. Émile Zola*. Et j’ai souvent remarqué que l’avantage,