Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/180

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LE ROI

Non, non… mais j’ai perdu courage… Et c’est à faire pleurer les pavés de l’enfer.

ANGUS

Emmenez-le… Il ne peut plus voir cela.

LE ROI

Non, non, laissez-moi… je n’ose plus rester seul… Où donc est la belle reine Anne ? … Anne ? Anne ? Elle est toute tordue… Je ne l’aime plus du tout… Mon Dieu, qu’on a l’air pauvre quand on est mort… Je ne voudrais plus l’embrasser maintenant… Mettez quelque chose sur elle…

LA NOURRICE

Et sur Maleine aussi… Maleine, Maleine ? Oh oh oh !

LE ROI

Je n’embrasserai plus personne, dans ma vie, depuis que j’ai vu tout ceci… Où donc est notre pauvre petite Maleine ? (Il prend la main de Maleine.) Oh ! elle est froide comme un ver de terre… Elle descendait comme un ange dans mes bras… Mais c’est le vent qui l’a tuée…

ANGUS

Emmenons-le, pour Dieu… Emmenons-le…

LA NOURRICE

Oui, oui…

UN SEIGNEUR

Attendons un instant.

LE ROI

Avez-vous des plumes noires ? … Il faudrait des plumes noires pour savoir si la reine vit encore… C’était une belle femme, vous savez… Entendez-vous mes dents ? …

(Le petit jour entre dans la chambre.)

TOUS

Quoi ?

LE ROI

Entendez-vous mes dents ?

LA NOURRICE

Ce sont les cloches, seigneur…