Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/190

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vole quand on parle d’autres écrivains qu’eux. Parler d’un Belge, c’est-à-dire de quelqu’un qui se sert de la même langue qu’eux, dont les livres peuvent s’étaler aux mêmes devantures à côté des leurs, n’est-ce pas une odieuse trahison ? Et puis, quand je n’aurai pour me défendre contre cette tentation, qui ne me tente pas d’ailleurs, que la reconnaissance intellectuelle que je dois à M. Maurice Maeterlinck, cela suffirait à arrête ma plume. En citant, l’autre jour, quelques extraits admirables des Serres chaudes et de La Princesse Maleine, je n’avais pas lu Les Aveugles qui viennent de paraître récemment. Et ces Aveugles, ces merveilleux Aveugles, ont encore fortifié mon enthousiasme pour ce jeune poète, qui est véritablement le poète de ce temps qui m’a révélé le plus de choses de l’âme, et en qui s’incarnent, le plus puissamment, le génie de sentir la douleur humaine, et l’art de la rendre dans son infinie beauté triste et de tendre pitié.

Et puis, et puis, il y a autre chose.

Les jeunes — certains jeunes — les jeunes dont je parle, me font rire avec les œuvres qu’ils promettent toujours et qu’il ne donnent jamais. Ils me font rire avec leurs journaux et leurs revues, leurs manifestes et leurs programmes. À les entendre, ils vont tout révolutionner. Assez de vieux arts morts et de vieilles littératures pourries ! Du nouveau, du nouveau, de l’inaccessible, de l’inétreignable, de l’inexprimé ! Et toute cette belle ardeur, tout ce bruyant tapage se réduisent à ceci : appeler « pied plat »