Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/204

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et psychologues. Des œuvres comme Germinal, où Zola nous montre le terrible et étrange fantôme de la question sociale, sont rares. Elles sont rares aussi celles qui, comme l’Anna Karénine de Tolstoï et Le Mal du siècle de Nordau, remuent les idées profondes et projettent de puissantes lumières sur l’avenir de l’humanité. Et l’on a bien vite fait de revenir aux alcôves adultères, où l’amour bêle sa complainte éternelle.

Quand on réfléchit une minute, il arrive une chose incroyable et folle. Dans le guignol littéraire, les personnages de romans n’expriment et ne possèdent qu’une préoccupation : aimer. Ils aiment, depuis la première page jusqu’à la dernière, et lorsqu’ils ont fini d’aimer dans un livre, ils recommencent dans un autre. C’est à croire qu’ils ont une anatomie spéciale et inachevée — car, avec une facilité étonnante, ils suppriment tous les autres besoins de la vie physique —, une particulière structure crânienne, car, d’un trait de plume, ils biffent toutes les manifestations de la vie intellectuelle, peu différents de ces crétins des Alpes à l’occiput aplati, au cerveau dépourvu de circonvolutions et de matière grise, à qui, dans la nuit de leur animalité inférieure, il ne reste de vivant et de fonctionnant que l’instinct sexuel.

L’amour a du bon. On lui doit, dans la jeunesse, des heures d’illusion charmante, des croyances vite déçues, et des douleurs aussi, rarement fécondes. De plus, il invite l’homme