Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/203

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Alors que la science s’efforce de désembroussailler les sources de la vie de toutes les erreurs métaphysiques qui les cachent, mornes ronces, à notre raison ; alors qu’elle conquiert des mondes inexplorés, qu’elle interroge l’infini de l’espace et l’éternité de la matière ; alors qu’elle va cherchant, au fond des mers primitives, la matière primordiale d’où nous sortons, et qu’elle suit son lent développement à travers les millions d’années et les millions de formes, jusqu’à son évolution la plus parfaite, l’homme ; la littérature, elle, en est encore à vagir de pauvres chansons sur deux ou trois sentiments artificiels et conventionnels, qui devraient cependant être bien épuisés, depuis le temps qu’ils servent à nous amuser — car il paraît qu’ils nous amusent.

Elle n’a tiré aucun profit, pour son rajeunissement, des modes magnifiques et nouveaux d’éducation que la science lui apporte, ni des beautés esthétiques nouvelles qui en peuvent surgir. Avec une obstination invincible, elle se refuse à entrer avec elle dans le champ presque illimité, par elle ouvert à toutes les activités mentales et artistes de l’homme. Et elle s’acharne à l’amour, c’est-à-dire à l’unique et palpitante question de savoir si Jean épousera Jeanne, et si Pierrette trompera Pierre, et de quelle façon, et vice versa. Il lui faut de l’amour.

Là-dessus tous les littérateurs sont d’accord, naturalistes, idéalistes, véristes, modernistes