Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/210

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Nous oscillons entre un passé auquel nous ne croyons plus et un avenir encore incertain et mal défini, qui nous effraie et nous attire en même temps. Il en résulte un malaise général, qui se traduit chez les uns par la résistance décuplée aux dépossessions fatales, chez les autres par l’impatience de précipiter le mouvement vers des formes de vie plus rationnelles, plus scientifiques.

En réalité, nous ne sommes qu’au seuil de la civilisation. Si nous comparons la durée relativement courte du développement de la civilisation à celle des temps préhistoriques ; si, comme le remarque le grand Büchner, nous observons qu’une portion restreinte du globe se prépare à ce développement ; si nous songeons que la vitesse du progrès s’accroît au fur et à mesure de sa continuité ; si nous ne perdons pas de vue qu’au milieu de notre vie raffinée, subsistent encore, en nombre considérable, les impulsions et les instincts grossiers de notre passé barbare, et que le struggle for life, dont le caractère sauvage s’est transmis des animaux à nous, fait rage, toujours, parmi les hommes ; alors nous reconnaîtrons que nous sommes à l’aurore de la civilisation et que nous n’avons parcouru qu’une petite partie du chemin de lumière ouvert devant nous. Nous nous croyons des décadents et nous ne sommes qu’une façon de sauvages. Un savant russe, le professeur W. Betz, je crois, en étudiant ce qu’il faut de fibres nerveuses et de cellules nerveuses pour l’élaboration