Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/218

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pendules, des vélocipèdes, des pianos, des bottes imperméables, des ceintures de sauvetage, des bretelles perfectionnées, de tout, excepté de la gastronomie. Eh bien, les salons des peintres me produisent un effet analogue… Il y a de tout aussi, des tableaux, des statues, des gravures, de l’architecture, de tout, excepté de l’art. Non, vous savez, les peintres nous agacent un peu plus que de raison. Voilà tout ce que je puis vous dire sur la question… Et croyez-moi, c’est tout ce que peuvent comporter de moralité les événements de ces jours passés… Les peintres nous agacent un peu plus que de raison… On ne leur demande pas de patriotisme, on leur demande de la bonne peinture… Oui, mais voilà, c’est plus difficile.

— Vous êtes sévère, fis-je… N’empêche, avec tout cela, que j’ignore encore où est l’opinion publique.

— L’opinion publique ?… me répondit mon interlocuteur… C’est celui qui crie le plus fort… Et comme celui qui crie le plus fort est généralement M. Déroulède… c’est M. Déroulède qui est à lui seul l’opinion publique… Ça a toujours été ainsi. Depuis que les sociétés existent et surtout depuis que fonctionne le suffrage universel, l’opinion publique ne fut jamais que l’opinion d’un hardi isolé. Et comme l’opinion de cet isolé a été diamétralement opposée aux intérêts confus, aux aspirations incertaines des masses, il faut admirer le secret des choses humaines, et demander à Dieu, dans nos prières, de nous préserver des héros.

— Et des peintres patriotes.