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très triste et qui a six enfants. Sa place ne lui procure pas le pain nécessaire à la vie de sa famille. Pour augmenter son pauvre revenu, il écrivait chaque semaine, dans un des journaux de l’endroit, quelques inoffensifs articles littéraires, quelques comptes rendus de théâtre, aux jours solennels des tournées parisiennes. Ce modeste cumul déplut au Conseil municipal. Par une délibération où il était déclaré, expliqué que : « les fonctions de bibliothécaire étaient incompatibles avec les travaux de littérature », ce fantastique conseil mit le bibliothécaire en demeure de choisir entre la bibliothèque et la littérature, se réservant, « en cas de non obéissance, de prendre telles mesures immédiates et conservatoires qu’il lui plairait » . C’est ce qui est arrivé à M. Remy de Gourmont, mais avec d’inoubliables aggravations et des raffinements de bêtise inouïs.

L’histoire vaut qu’on la raconte et qu’on la commente.

Aujourd’hui la presse est libre, mais à la condition qu’elle restera dans son strict rôle d’abrutissement public. On lui pardonne des écarts de langage, pourvu, comme dans la chanson de café-concert, que le petit couplet patriotique et final vienne pallier et moraliser les antérieures obscénités. On tolère qu’elle nous montre des derrières épanouis, des sexes en fureur