Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/230

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théâtre, le patriotisme s’étale et braille, couvrant de son manteau de pochard les plus honteuses faiblesses et les pires infamies. Il n’importe. Nous devons le respecter, nous devons subir, sans nous révolter, ses compromettantes violences, ses dangereuses brutalités, ses odieux vandalismes, ses sauvageries d’iconoclaste ; il faut courber le dos sous le flot des sentimentalités ineptes qui coule de lui et déborde sur nous. L’autorité si prompte à lancer ses bandes de sergents de ville sur les inoffensifs promeneurs, se trouve désarmée contre ce brigandage. Elle dit : « C’est excessif, mais si respectable. » Et sait-on pourquoi le patriotisme est si respectable, tout en étant excessif ? C’est parce qu’il est un des meilleurs agents de la gouvernable ignorance, un des moyens les plus sûrs de retenir un peuple dans l’abrutissement éternel. Mais sitôt que, sans accompagnement de dégoûtantes polissonneries et de prudhommesques rengaines, l’on pénètre gravement dans la discussion des idées graves, alors la société se plaint et réclame, et la justice montre les crocs. Oui, nous sommes libres de nous réunir où nous voulons et d’écrire ce que nous voulons, mais Gegout est encore en prison pour n’avoir pas trouvé admirables les belles lois inquisitoriales que nous prépare M. Joseph Reinach ; mais on fusille ici des ouvriers coupables de vouloir vivre et de demander du pain, ce qui est une insoutenable prétention ; mais on enlève