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Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/231

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leur pain à ceux dont le crime est d’affirmer des opinions qui n’ont point l’estampille ministérielle ou l’agrément des bourgeois. Tel fut le cas de M. Remy de Gourmont.

M. Remy de Gourmont publia, dans l’avant-dernier Mercure de France, un article intitulé : Le Joujou patriotisme. M. de Gourmont n’est pas de ceux qui pensent au hasard ; il sait ce qu’il dit et ce qu’il fait. L’article était d’une belle éloquence ironique et d’une logique impeccable. À moins d’incompréhension — ce qui n’est pas rare — ou de mauvaise foi — ce qui est une règle à peu près générale — il n’y avait pas à se méprendre sur la signification de ces pages. J’ignore quelles sont les idées de M. de Gourmont sur la Patrie ; je n’ai pas à les rechercher, et lui n’avait pas à les exprimer, car il ne s’agissait pas de la Patrie ; il s’agissait du patriotisme, et ce sont deux choses très différentes et qui s’excluent l’une l’autre. M. de Gourmont flétrissait le patriotisme dont je parle, ce patriotisme abject, négatif de toute beauté, devenu une exploitation électorale, un ignoble moyen de réclame saltimbanquiste, le déversoir bruyant et malpropre de la sottise et de la grossièreté humaines.

Il n’invectivait pas l’Allemagne, étant un philosophe ; ne cachait pas son admiration de Goethe, de Heine, de Wagner, étant aussi un