Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/251

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haines, quelles imperturbables vanités, quelles poussées de démesurés orgueils ! Les vieux, les mûrs, les jeunes, les tout petits, à peine vagissant dans leurs langes, les gras et les maigres, les illustres et les obscurs, ah les pauvres diables ! Et comme tous ils se ressemblent, sous le masque uniforme de la verte envie ! « Tous fumistes, ces jeunes gens », conclut académiquement M. Leconte de Lisle*. Hélas ! tous fumistes aussi ces vieillards, et d’une plus sinistre et moins pardonnable fumisterie, car ils n’ont point, comme leurs jeunes émules, l’excuse de l’obscurité, d’une existence à se créer, d’un lendemain à assurer. Et comme l’âme littéraire est laide, et comme elle est, disons-le à notre honte, bête ! Oh oui, bête, d’une bêtise incomparable, et flamboyante, et si unique, parmi toutes les autres bêtises humaines, que, vraiment, à la lueur qu’elle projette, l’esprit de l’épicier, par nous tant raillé, s’émerveille, s’éblouit, se magnifie, et que l’imagination méconnue du petit fonctionnaire, du petit fonctionnaire larveux, encrassé de routines déprimantes et de rampantes disciplines, apparaît, héroïfiée, aux cimes de l’intelligence. Oh ! Dieu du ciel, ô dieux illusoires et maçonniques de Coppée* et de Péladan*, de Vacquerie* et de Maupassant*, dieux de Rod*, de Zola* et de Leconte de Lisle, combien aujourd’hui devraient regretter de n’avoir pas su résister au tentateur, de n’avoir pas imité le dédaigneux, et pudique et exemplaire