Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/56

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tesse sincère et des allusions délicates, qui ne pouvaient blesser personne, il parla des sentiments politiques et religieux de M. About, quelques sifflets se firent entendre, et des protestations aussi déplacées que bêtes s’élevèrent autour de la tombe de celui qui fut si bien sifflé à Gaëtana. Les patriotes voulaient faire payer à M. Caro son noble refus de marcher à côté d’un corbillard que ne décorait aucun attribut religieux et que ne suivait aucun prêtre. Ces sifflets et ces protestations honorent M. Caro, qui, dans cette triste cérémonie, représentait la conscience des honnêtes gens.

Voilà donc ce qu’ont été les obsèques d’un homme dont tout le monde, ces jours passés, célébrait l’intelligence et vantait l’esprit. Une exhibition et une dispute. Il y avait vraiment, à tout cela, une grande tristesse, car on se disait que cet homme avait des filles, de pauvres enfants qui ne pouvaient pourtant que puiser dans la source des divines consolations, les consolations nécessaires à leur douleur. J’ignore comment leur père les avait élevées, s’il avait laissé s’épanouir dans leurs jeunes cœurs les croyances qui sont la beauté et la bonté de la femme, et qui mettent sur son visage quelque chose du sourire des anges, ou s’il avait tenté de fermer leur âme aux rayons de l’espérance éternelle ; mais je suis certain que, dans ces heures d’affliction où les fois les plus belles, les impiétés les plus endurcies, tournent vers le ciel des regards chargés d’implorations et