Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/86

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Dans le roman, les choses ne se passent pas de la même façon. Il n’est personne qui se puisse vanter d’être un héros unique et absolu. Chacun tient pour quelqu’un. Ceux-ci adorent Zola, ceux-là sacrifient à Flaubert ; d’autres se prosternent devant Goncourt, d’autres devant Daudet ; il en est qui font leurs oraisons à M. Claretie et à M. Richebourg. Montépin lui-même a des temples dans le cœur des concierges. Donc, le roman ne nous donne pas une divinité incontestable. Il existe autant de dieux que de romanciers ; je pourrais même dire :que de lecteurs, et pour un esprit supérieur comme l’est celui de M. de Maupassant, ce n’est point chose désirable que d’aspirer à une divinité si banale qu’elle peut être conquise par tout le monde, aussi bien par M. Ohnet que par M. Jules Barbey d’Aurevilly, ces deux pôles de la littérature contemporaine. Je sais que les bulletins de la bibliographie à tant la ligne prétendent que la littérature commence à M. de Maupassant, et finit avec lui ; à les en croire, M. de Maupassant détrône Flaubert, éclipse Zola, efface Goncourt, éteint Huysmans ; tout le monde sourit un peu de ce grandissement démesuré, et l’on cherche vainement dans ses œuvres le pendant de L’Éducation sentimentale, de Germinal, de La Joie de vivre, de Germinie Lacerteux, de À rebours. M. de Maupassant lui-même, qui a autant de modestie qu’il possède de talent, doit commencer à trouver que la réclame dépasse parfois le but, et qu’elle est souvent gênante. Certes, M. de