Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« Il chuchota les dernières paroles, n’ayant plus la force de les prononcer à haute voix… et après s’être répété, intérieurement :

» – C’est tout petit… et pourtant il n’y a pas, il n’y a jamais eu sur la terre, ni au cou d’une femme, ni au petit doigt de sa main, un aussi gros bijou…

« Il s’endormit d’un sommeil agité et plein de cauchemars…

« Quelques jours après, le baron agonisait, Boule-de-Neige était près de son lit, et elle regardait les choses autour d’elle, d’un regard d’ennui, d’un regard qui signifiait : « Le vieux me rase… Il n’en finit pas de mourir… Je voudrais bien être ailleurs… »

« Un domestique apporta un écrin.

» – Qu’est-ce que c’est ?… interrogea le baron d’une voix haletante…

» – C’est la bague… monsieur le baron.

« À ce mot, le vieux moribond eut un sourire sur les lèvres et une lueur dans les yeux…

» – Donne… Et toi, Boule-de-Neige, viens ici, près de moi… et écoute bien…

« Avec effort, il ouvrit l’écrin, passa la bague à l’un des doigts de Boule-de-Neige, et il dit, d’une voix coupée de râles et de sifflements :

» – Boule-de-Neige… regarde cette bague… Ce que tu vois là, c’est du fer… C’est du fer qui représente tout mon sang. On a ouvert et fouillé mes veines pour l’en extraire… Je me suis tué pour