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Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/15

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et ces rosiers gigantesques qui semblent avoir été rapportés d’on ne sait quel pays de rêve, dans le chapeau de M. de Jussieu !

— Ah ! que tu es jeune !

Je m’exaltai :

— Et les torrents, et les glaciers… Alors, tout cela ne te dit rien ?…

— Tu m’amuses… répondit Robert… Est-ce que vraiment j’ai l’air d’un bonhomme qui donne dans ces bateaux-là ? On ne me monte pas le coup avec les torrents !… Et qu’est-ce qu’elle a d’épatant, la montagne ?… C’est le Mont-Valérien, en plus grand, voilà tout, et en moins rigolo…

— Tu aimes mieux la mer, alors ?…

— La mer ? Ah ! qu’est-ce que tu dis là ?… Mais, mon petit, depuis quinze ans, tous les étés, je vais à Trouville… Eh bien, je peux me vanter d’une chose, c’est… de ne pas avoir regardé la mer une seule fois… Ça me dégoûte… Ah ! non… Je crois que j’ai autre chose dans la cervelle, que d’aller m’épater à ce que tu appelles les spectacles de la nature… J’en ai soupé, tu sais ?

— Enfin, tu es venu ici pour ta santé ?… Suis-tu, au moins, un traitement ?

— Sévèrement… fit Robert… Sans ça !…

— Et qu’est-ce que tu fais ?

— Comme traitement ?

— Oui.

— Eh bien, voilà… Je me lève à neuf heures. Promenade dans le parc autour de la buvette… Rencontre de celui-ci