Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/16

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et de celle-là… on respire un peu… on raconte qu’on s’embête… on débine les toilettes… Cela me mène jusqu’au déjeuner… Après le déjeuner, partie de poker chez Gaston… À cinq heures, Casino… station autour d’un baccara sans entrain… des pontes de quat’ sous, une banque de famille… dîner… re-Casino… Et c’est tout… Et, le lendemain, ça recommence… Quelquefois un petit intermède avec une Laïs de Toulouse, ou une Phryné de Bordeaux… Oh ! là, là ! mon pauvre vieux !… Eh bien, le croirais-tu ? cette station si vantée, qui guérit toutes les maladies… ça ne me produit aucun effet… Je suis aussi démoli qu’à mon arrivée… De la blague, ces eaux thermales…

Il renifla l’air et il dit :

— Et toujours cette odeur !… Sens-tu ? C’est ignoble…

Une odeur d’hyposulfite, échappée de la buvette, circulait parmi les platanes…

Mon ami reprit :

— Ça sent comme… pardié !… ah ! quel souvenir… ça sent comme chez la marquise…

Et il se mit à rire bruyamment.

— Figure-toi… un soir… nous devions, la marquise de Turnbridge et moi, dîner au restaurant… Tu te rappelles la marquise… cette grande blonde avec qui j’ai été deux ans ?… Non ?… Tu ne te rappelles pas ?… Mais, mon vieux, tout le monde sait ça, à Paris. Enfin, n’importe !…