Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/156

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d’une main ferme, assurée, dont la souffrance ne put, une seule minute, faire dévier l’inébranlable volonté. Quand ce fut fini, il pria son ami le docteur de certifier, sur le testament, qu’il était sain d’esprit et dans toute la lucidité de son intelligence. Il exigea, en outre, que les deux aides apposassent leur signature au-dessous de celle du médecin, pour en bien attester l’inattaquable authenticité. Après quoi, l’enveloppe refermée et recachetée, il attendit le couteau… Vers le milieu de la nuit qui suivit l’opération, pris d’une fièvre intense et dévoré par la soif, Dickson-Barnell appela : « – Winwhite ! » « – Monsieur ? » « – De l’eau… à boire ! » « – Non, monsieur. » « – Cinq cents dollars ! » « – Non, Monsieur ». « – Deux mille dollars. » « – Non monsieur. » « – Très bien… » Le médecin, qui, sur une chaise longue étendu, sommeillait dans la chambre, entendant un bruit de voix, se réveilla, et vint au chevet du malade : « Vous voulez quelque chose ? » demanda-t-il. « – Oui… de l’eau… à boire ! » « – Non. » « – Vingt mille dollars ! » « – Non. » « – Cinquante mille dollars ! » « – Non. » Alors, surpris de cette résistance, Dickson-Barnell dirigea vers son ami un regard extraordinaire, un regard qui, en vérité, évaluait, soupesait sa valeur marchande… « – Cent mille dollars ! » fit-il enfin, suprême enchère. « – Non. » « – Très bien ! »… Il n’insista plus ; mais, apercevant sur une table, près de son lit, à portée de sa main, son