Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/203

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tordus et convulsés, comme ceux d’un supplicié de la torture.

Appeler au secours, appeler me gens, appeler tout le monde, tel fut mon premier mouvement, quand, soudain, la première impression d’épouvante passée, je réfléchis qu’il valait mieux d’abord examiner les choses par moi-même, tout seul, sans témoins. J’eus même la précaution de refermer à triple tour la porte d’entrée du pavillon.

C’était bien une petite fille de douze ans à peine, une petite fille avec des formes grêles de jeune garçon. Elle portait à la gorge des marques de doigts strangulateurs ; sur la poitrine et sur le ventre, de longues, de fines, de profonde déchirures, faites avec des ongles, ou plutôt, avec des griffes pointues et coupantes. Sa face gonflée était toute noire. Sur une chaise, des vêtements de pauvresse, une pauvre petite robe effrangée et boueuse, des jupons en loques étaient rangés presque minutieusement. Et sur le marbre de la toilette, j’aperçus, dans une assiette, un reste de pâté, deux pommes vertes, dont l’une avait été grignotée comme par des dents de souris, et une bouteille de vin de Champagne vide.

Il n’y avait rien de changé dans les autres pièces que j’examinai l’une après l’autre. Chaque meuble, chaque chose étaient à leur place coutumière.

Alors, rapidement, fiévreusement, sans ordre, je songeai :

— Avertir la police, la Justice ?… Jamais… Les juges