Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/215

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Alors, j’écoute, attentif.

Et je comprends que cette dame est furieuse contre sa femme de chambre. D’après ce que je puis suivre du récit, qui s’accélère et qui halète, entre la fuite des mots, il est arrivé à cette dame une chose incroyable et terrible : la femme de chambre n’était pas là quand sa maîtresse est rentrée, avant le dîner, pour s’habiller. Elle l’a fait demander partout, et personne n’a su où était la femme de chambre. Elle n’est revenue qu’à sept heures et demie !… Et ce sont des « cette fille ! », des « cette sale fille ! », des « cette abominable gredine ! », prononcés sur un ton de dégoût tel qu’on ne s’imaginerait pas qu’il est question d’une créature humaine, mais bien d’une bête ignoble, d’une maladie, ou d’une ordure. Et la voix dit, comme répondant à une objection que je n’ai pas entendue :

– Ce n’est pas vrai… Je lui avais dit d’être là à six heures. Et quand même j’aurais oublié de le lui dire, est-ce que ce n’est pas son métier d’être là, sans cesse, à toute heure du jour et de la nuit, à ma disposition ? Je ne comprends pas que tu la défendes, et que tu manques à ce point de dignité… C’est honteux… Mais, toi, d’abord…

Mes voisins ont évidemment changé de position, je ne perçois plus que des choses confuses, brouillées, bourdonnantes.

Enfin, au bout d’un instant :

– Sans doute… sans doute… fait la voix du mari,