Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/259

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— Vous savez, mon père Franchart… quand je vous y repincerai, à me subtiliser mes écrevisses, ce sera une autre musique… Sacré bonhomme ! Au revoir… Portez-vous bien…

L’anecdote, le soir même, circula dans Norfleur… On se tordit de rire…

— Est-il farce, monsieur le marquis ! est-il bon enfant !

Voilà quelques années de cela, un brave homme, du nom de Chomassus, vint à Norfleur et acquit une petite propriété voisine de celle du marquis. Ce Chomassus, facteur aux Halles de Paris, s’était récemment retiré des affaires, et voulait finir ses jours, avec sa femme, dans la poésie et dans le calme des champs… Gros homme, bien nourri, mais lourd de ventre, d’allures peu élégantes, il semblait aussi timide. Flairant qu’il pouvait y avoir, pour lui, quelque chose à glaner dans ce voisinage, la marquis aussitôt se mit en rapport avec l’excellent Chomassus…

Un jour que l’ancien facteur aux Halles était venu surveiller les travaux de réparation et d’aménagement qu’il faisait dans la maison d’habitation, laquelle était très vieille, le marquis se présenta à lui, tout d’un coup.

— Mon cher monsieur, lui dit-il, excusez ma démarche… Mais vous allez être mon voisin… peut-être mon ami… J’en suis ma foi très content… Et je viens, sans façon, vous souhaiter la bienvenue