Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/354

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

filles d’ici… À son âge, ça se comprend. Très douce avec cela. Ah !… pas méchante du tout… Elle est restée dix ans chez Mme de Créac’hadic… votre voisine, sur la rivière…

— Mais si elle est folle, interrogea avec effroi Mme Lenchanteur, comment voulez-vous que je lui confie ma maison ?…

— Folle n’est pas le mot… répliqua l’épicière… Elle est faible… un peu faible de tête… voilà tout… Elle a quelquefois… vous comprenez… des idées… pas comme tout le monde… Mais c’est une brave fille… bien adroite… et douce… douce comme un agneau… Pour la douceur, madame peut être tranquille… Il n’y a pas au-dessus…

— Oui… mais j’aimerais mieux, tout de même, qu’elle ne fût pas folle… Avec les fous… on ne sait jamais… Enfin… envoyez-la… je verrai… Et pour le prix ?…

— Dame !… c’est quinze francs… je crois…

— Ah ! ce n’est pas donné ici, les domestiques !

Et Mme Lechanteur regagna Toulmanac’h, disant pour se rassurer :

— Faible de tête ? Ce n’est pas une grosse affaire… Et puisqu’elle est douce !… Et, sans doute, je pourrai l’avoir pour dix francs.

Le lendemain Mathurine le Gorrec se présentait à Toulmanac’h, au moment où Mme Lechanteur et sa fille achevaient de déjeuner.

— Bonjour, madame… C’est sans doute votre fille,