Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/366

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— Et je la baptiserai par-dessus le marché… Ça va-t-il ?

— C’est bien des frais… murmura Morin… bien des frais…

— Acceptes-tu ?

— Eh bien, oui… Seulement, tout de même, c’est bien des frais…

Alors, le vicaire, prestement, passa ses mains sur la tête de l’enfant, lui tapota le ventre, bredouilla des mots latins, esquissa, dans l’air, des gestes étranges.

— Allons ! fit-il, maintenant le diable est parti… On peut la baptiser…

Puis, reprenant les mots latins, il aspergea d’eau le front de la petite fille, lui mit un grain de sel dans la bouche, se signa, et gaiement :

— Allons ! fit-il encore. Maintenant, elle est chrétienne, elle peut mourir…

Ils revinrent à travers la lande, tête basse, silencieux, en proie à de vagues terreurs. La vieille marchait devant, portant l’enfant, qui criait toujours ; le parrain, la marraine venaient derrière ; Morin suivait à distance. Le soir tombait, un soir brumeux, tout plein de formes errantes, un soir spectral que dominait, du haut de la tour, l’ironique et miraculeuse image de sainte Anne, protectrice des Bretons.


Et lorsque mon nouvel ami, le maire du Kernac, est parti, je m’acharne, afin d’éloigner de moi,