Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/385

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font brider, dans un clignement féroce, l’œil du peintre, quand il se trouve en présence d’une nature qui l’intéresse. Et il s’écria :

— Quel ton !… ah ! sacristi ! quel ton !

Traçant, ensuite, avec le doigt, un lent cercle isolateur qui enveloppait le front, la joue et une portion de l’oreiller, il se tint ce discours :

— La beauté de ça… hein ? Non, mais, l’étrange de ça !… la finesse, la délicatesse, la modernité de ça ?… Mazette !… il n’y a pas à dire… c’est du Manet !…

Il touchait le nez, dont les narines pincées n’étaient plus que deux petites taches violettes.

— Le ton de ça ?… C’est inouï !

Il indiquait l’ombre sous le menton, une ombre transparente, d’un rose bleu, infiniment délicat :

— Et ça ?… Ah ! nom d’un chien !… Est-ce fin ?… Un nuage, quoi !… Son doigt revenait au front, aux cheveux, à l’oreiller.

— Et le rapport de ça… Et l’arrangement de ça ?… Non ! mais c’est épatant !

D’un large mouvement circulaire, sa main se promenait sur la robe, sur le drap chargé de fleurs…

— Et les blancs de ça ?… Nom de nom !… C’est superbe ! Et ce que c’est moderne ! Et ce que ça leur ficherait un coup, au Salon !…

Une fleur, glissant sur le bord du drap, tomba sur le tapis. Barnez la ramassa, la remit en place, redonna