Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/386

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de l’air ça et là aux autres fleurs… Puis il se recula, cligna de l’œil, mesura, de ses deux mains, l’espace que le motif prendrait dans la toile, et il dit :

— Une toile de trente… Ça irait comme un gant… comme un gant…

Son pied battait la mesure, sa tête, balancée de droite à gauche, marquait les mouvements d’un rythme cocasse, et il chantait :

— Comme un gant, comme un gant… Carolus-Duran…

Ayant installé un chevalet dans la chambre, il se mit à travailler avec acharnement. Durant toute la journée, on n’entendit, près du corps inerte, verdissant parmi les bottelées de fleurs, que le tapotement de la brosse sur la toile, et, de temps à autre, le chant d’une monotone et incohérente scie d’atelier que Barnez fredonnait, d’habitude, pour accompagner son travail :

Monsieur Bonnat dit à Monsieur Gérôme,

Monsieur Bonnat dit à Monsieur Gérôme :

Jaune de chrome !…

Et tra déri, déra… Tra la la la la la !

Le lendemain matin, dès le jour apparu, il avait repris son travail, se hâtant, fiévreux, maugréant contre le menton de Mathilde, dont il ne pouvait « attraper la valeur ».

— Mais avec quoi est-il fait, ce sacré menton ?… Et puis, tout fiche le camp… Hier c’était lilas, aujourd’