Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/420

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— Vieux grigou… hurlai-je… c’est toi qu’on aurait dû tuer.

Je me levai… j’arrachai violemment mes habits, et je marchai, tout nu, dans la chambre, longtemps… Puis ma fièvre finit par se calmer… j’accrochai la livrée au porte-manteau de la penderie… revêtis mes habits à moi… et j’allai retrouver Fidèle, dans l’écurie :

— Ho ! ho ! Fidèle !… Ho ! ho !…

C’est dans ces conditions singulières que je pris mon service chez le vieux baron Bombyx… service peu accablant et facile et qui me laissait, je dois le dire, beaucoup de liberté. Je n’avais qu’à soigner Fidèle, laver la voiture, astiquer les harnais. Deux fois par semaine, le matin, je conduisais la gouvernante au marché, chez les fournisseurs et, le dimanche, à la messe. Il était rare que nous sortions du quartier. Durant les huit mois que je demeurai dans cette place, nous ne passâmes que huit fois les ponts.

En revanche, tous les huit jours, le samedi, durant trois longues heures, je les promenais, la gouvernante et le baron, au pas, dans les bois de Sceaux…

Ces courses ne m’amusaient pas, car j’avais à subir bien des avanies. Cette vieille jument boiteuse, qui semblait venir, directement, des pâturages symboliques de l’Apocalypse, cette antique voiture plus apocalyptique encore que la jument, ma