Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tuelle, visiter l’écurie et caresser la jument dans son box :

— Ho ! ho !… Fidèle !… ho ! ho !…

Je lui dis, d’une voix ferme :

— Monsieur le baron a tort de ne pas me donner une autre livrée…

Et j’accentuai, en faisant un geste que j’essayai de rendre mystérieux et troublant, et grave aussi :

— Il a tort… que monsieur le baron comprenne enfin qu’il a tort…

— Est-ce qu’elle est usée, déjà ? demanda-t-il.

Je regardai fixement le vieux Bombyx, et secouant la tête :

— Non, répondis-je. Cette livrée ne s’usera jamais… elle ne peut pas s’user…

Je sentis qu’un petit frisson courait sous sa longue douillette. Ses paupières battirent comme des persiennes secouées par le vent… Il dit :

— Qu’est ce que cela signifie ?… Pourquoi me dites-vous cela ?

— Je dis cela à monsieur le baron parce qu’il faut que monsieur le baron le sache… Il y a une âme dans la livrée. Il est resté une âme dans la livrée.

— Il est resté… quoi ?… quoi ?…

— Une âme, je vous dis, une âme… C’est assez clair…

— Vous êtes fou…

— Que monsieur le baron me permette de lui