Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/425

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

répondre avec tout le respect que je lui dois… C’est monsieur le baron qui est fou…

J’avais parlé lentement, affirmativement, j’essayais de dominer ce vieil homme par des regards impétueux. Le baron détourna la tête, et, saisi d’un petit tremblement, il ramena sur sa maigre poitrine les pans lâchés de sa douillette. Et il dit d’une voix timide :

— Ne parlons plus de cela, mon ami. C’est inutile… quand elle sera usée, je vous en donnerai une autre :

Il eut un pâle sourire et il ajouta :

— Vous êtes trop coquet, vraiment… Et je ne suis pas assez riche… Diable !

Alors je n’insistai plus. Mais, reprenant une physionomie hostile :

— Soit ! criai-je. Comme monsieur le baron voudra… Et, s’il nous arrive un malheur, c’est monsieur le baron qui l’aura voulu… Au diable !

Je saisis la fourche et remuai violemment la paille du box…

— Ho ! ho ! tourne Fidèle !… Ho ! ho !… Fidèle !… Ho ! ho !… sacrée rosse !

La paille volait aux dents de la fourche ; quelques parcelles de crottin frais allèrent éclabousser la douillette du baron. Et la pauvre Fidèle, étonnée de cet emportement, piétina de ses sabots raidis le dallage dur de l’écurie et se rencogna dans l’angle de la mangeoire, en me regardant