Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/427

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où, chez le brave notaire de Vannes, serviteur inquiet et plein de zèle, je tremblais de ne jamais remplir assez rigoureusement mes devoirs, où je me tuais pour ne pas laisser un grain de poussière sur la robe du petit cheval, où je dépensais des forces de débardeur à frotter des cuivres, à faire reluire, par exemple, l’acier d’un mors, anciennement gravé par la rouille. Mais il ne restait plus rien de ce petit homme actif, laborieux, dévoué et timide que j’étais, quand j’étais moi-même. Maintenant, mon service, pourtant si facile et rétribué au-delà de ce que j’avais espéré, je le négligeais complètement. Fidèle était mal tenue, sale, les jambes jamais faites, la tête malpropre, comme celle de quelqu’un qui reste huit jours sans se raser. D’innombrables équipes de vermines habitaient sa crinière et sa queue que j’avais pris le parti de ne jamais plus peigner ni laver. La plupart du temps, j’oubliais de lui donner à manger. Il n’était pas rare que huit jours passassent sans que je fisse, sur elle, le simulacre d’un pansement. Il m’arriva même de la blesser au genou, d’un coup d’étrille, que je lui donnai sans raison. Le genou enfla. Le vétérinaire déclara que c’était un accident très grave, et prescrivit des ordonnances que je me gardai bien d’exécuter. De quoi je me félicitai, car la pauvre bête guérit plus vite, sans doute de n’avoir pas été soignée. Il faut toujours s’en remettre à la nature, voyez-vous… Elle seule sait exactement