Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/428

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ce qu’il y a dans le genou des vieilles juments, comme dans l’esprit obstiné des vieux Bombyx et aussi, et surtout, dans la mystérieuse livrée des cochers…

Ma vie, vous la voyez d’ici, je suppose, et sans qu’il soit besoin de la narrer en ses détails. La nuit, chez les filles, de qui je sus, promptement et sans éducation préalable, tirer de notables profits ; le jour, chez les marchands de vins, où mon temps s’écoula à jouer au zanzibar, avec d’étranges compagnons, rôdeurs de faubourgs, écumeurs de banlieues, pas mal sinistres, qui venaient voir s’il n’y avait point de bons coups à préparer dans le quartier. Braves types d’ailleurs, généreux à leur manière, et rigolos, ils ne tarissaient pas de m’amuser, avec leurs vieux complets anglais à carreaux, leurs casquettes à côtes de drap clair, et leurs bijoux, dont chacun avait une histoire sanglante ou d’amour. Tout de suite, ils avaient compris que j’étais quelqu’un de « leur bord ». Et ils parlaient devant moi, à cœur ouvert, en amis, en frères.

— Ce quartier est admirable… disaient-ils. Nul autre ne possède de pareils trésors. C’est plein de vieilles demoiselles, dames et veuves, seules ou mal gardées, dévotes en diable, chez qui l’on peut honnêtement travailler, rafler de vrais sacs et d’abondantes monnaies qui ne doivent rien à personne. C’est plein aussi de très curieux vieillards, rentiers, collectionneurs, avares et mania-