Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/53

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IV


Dans le jardin de l’hôtel, j’attends l’heure du dîner… Et je suis triste, triste, triste ! Triste de cette tristesse angoissante et douloureuse qui n’a pas de cause, non, en vérité, qui n’a pas de cause. Est-ce d’avoir évoqué ces cours d’asile, ces physionomies, si étrangement troublantes, des pauvres fous ?… Non… puisque je suis très triste depuis que je suis ici… Quand on sait pourquoi on est triste, c’est presque de la joie… Mais quand on ignore la cause de ses tristesses… il n’y a rien de plus pénible à supporter…

Je crois bien que cette tristesse me vient de la montagne. La montagne m’oppresse, m’écrase, me rend malade. Suivant l’expression de Triceps, chez qui je suis allé causer quelques minutes, je suis atteint de « phobie », la phobie de la montagne. Comme c’est gai !… Être venu ici chercher la santé, et n’y trouver que la phobie !… Et comment y échapper ?… Devant soi, derrière soi, au-