Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/67

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Leygues, car il ne m’inspire que de la gaieté.

J’aime infiniment M. Georges Leygues et sa belle franchise méridionale, et cette sécurité dans les relations, si rare chez les politiciens, et qu’il a à un haut degré. On peut aimer M. Leygues les yeux fermés ; c’est même la meilleure façon de l’aimer et de n’y avoir point de désillusions… C’est pour moi une joie délicate et forte, et toujours nouvelle, et, pour ainsi dire, nationale, de me trouver quelque part avec lui. J’admire comment l’habitude des ministères lui a fait, peu à peu, une âme d’indulgence et d’éclectisme dont on subit malgré soi, le charme bigarré…

Un soir, dans les coulisses de l’Opéra, contant une anecdote, il commença ainsi :

— À cette époque, je n’étais pas encore ministre…

— À d’autres ! protesta M. Gailhard.

M. Leygues sourit, et il reprit :

— Soit ! À cette époque j’étais déjà ministre et clerc d’huissier dans le Tarn-et-Garonne.

Et il conta son anecdote.

Banale à l’excès, mais intarissablement oratoire, sa conversation arrache à tous ceux qui l’entendent cette exclamation flatteuse : « Quel joli causeur ! » Et, en effet, ce surprenant personnage cause sur toutes choses avec une égale compétence. Jamais, je crois, je n’ai rencontré dans ma vie