Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/106

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Il fit d’abord semblant de fuir devant son piteux adversaire, qu’il attira de cette façon sur le quai. Par d’habiles manœuvres stratégiques, il l’obligea à se placer sur la bordure du quai, très élevé, à cet endroit, au-dessus de l’eau, et, sans se déranger, froidement, ironiquement, d’un simple mouvement d’épaules, il le jeta dans le port… Ce furent des acclamations pour Canard, et des risées pour le pauvre dogue, qui, nageant fort mal, manqua de se noyer. Il s’enfuit, poursuivi par les sifflets et les pierres, mouillé, la tête basse, la queue entre les jambes, et ne revint plus.

Canard n’avait pas son pareil pour la pêche… Dans nos courses, le long du Goayen, souvent il s’arrêtait près d’une touffe d’aulnes ; son œil devenait plus luisant, tout son corps frémissait et il agitait frénétiquement le panache superbe de sa queue.

— Eh bien, Canard ?

D’un bond, il s’élançait dans la rivière,