Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/107

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disparaissait. L’eau soulevée au-dessus de lui bouillonnait, marquant, par les remous, la direction de sa chasse sous-marine, et, après quelques minutes, il reparaissait, tenant fièrement dans sa gueule, un rat d’eau ou une truite. Pauvre Canard, te souviens-tu de tout cela ?

Te souviens-tu que tu avais exigé de me servir de valet de chambre ? Moi je n’avais pas voulu, tu le sais, ayant le respect des chiens, et puis je t’aimais comme un frère ! Mais, tu avais dit : « Je veux ». Comme tu m’as soigné, bercé, consolé ! Quel serviteur attentif, ingénieux, désintéressé et fier tu as été !

Te souviens-tu aussi de nos longues marches sur les grèves sauvages, de nos glissades sur les rochers que tapissent le goëmon et le pouce-pied, où la triste anémone fleurit au fond des flaques, d’où s’élèvent les bandes effarées des avrilleaux et des alouettes ? Te souviens-tu de nos promenades, par le vent, par la pluie glacée, par la tem-