Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/112

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notre barque a ce balancement endormeur d’un berceau d’enfant qu’une nourrice doucement bercerait. Quoique nous soyons mouillés loin de la côte, des bruits nous arrivent, légers et extraordinairement distincts : c’est le pas d’un paysan attardé et qui rentre à sa chaumière ; c’est la marche plus rapide d’un douanier, le long de la sente rocailleuse de la falaise. C’est le cri, si plaintif, des courlis dans les rochers que découvre la marée descendante. Puis, vers le large, à droite, à gauche, partout, on entend, très assourdies, des voix qui causent, d’autres qui chantent, d’autres qui semblent pleurer, des voix qui viennent, portées par le calme de la nuit, des profondeurs invisibles de l’Océan.

Accoudés au bordage, la ligne en main, j’écoute ces voix et je regarde toutes ces choses vagues et si belles des nuits passées en mer, et qui, sans qu’on sache pourquoi, vous coulent dans l’âme une émotion si poignante. Penhoat écrase des araignées de