Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/113

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mer et des crabes dont il jette, de temps en temps, par-dessus bord, les débris pour attirer le poisson. Les lignes enfoncent dans l’eau presque jusqu’au fond de l’eau, une raie de lumière vive, et chaque fois que nous les remuons ou que nous les déplaçons, tout le long des cordes minces, des gouttes de feu et des paillettes d’or se détachent et vont se perdant et s’éteignant peu à peu dans le gouffre noir. Autour de nous, des marsouins bondissent, cabriolent, soufflent, se poursuivent, montrent parfois leurs dos énormes et agiles, pareils à des petits cuirassés.

Tout à coup, je ressens à la main comme une forte secousse et ma ligne se raidit, se tend et semble emportée.

— Attention ! c’est un gros congre ! me dit Penhoat.

Et nous voilà tous les deux luttant avec le monstre, qui résiste et, de ses formidables coups de queue nous brise les poignets. Enfin, apparaissent dans un véritable bain