Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/141

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sieur, ça vaut mieux que dans les granges… Il y a de la bonne mousse, des bonnes feuilles sèches, et puis ça sent bon, et le matin, les oiseaux chantent, et je vois des lièvres, ou bien des biches, ou bien des écureuils…

— Mais comment fais-tu pour manger ?

— Quelquefois on me donne, alors c’est bien ; quelquefois on ne me donne pas, alors je vole.

— Comment, tu voles, petit misérable !

— Mais puisque je suis bohémien !

— Tu n’as pas peur qu’on te fourre en prison ?

— On ne peut pas, puisque je suis bohémien… Tout le monde sait ça.

— Qu’est-ce qu’on sait ?

— Qu’il est permis aux bohémiens de voler. Vous ne savez pas, vous ?… Mais c’est très vieux… Un jour, un bohémien passa auprès de la croix où se mourait Notre Seigneur. Il arracha les clous enfoncés dans les pieds de Notre Seigneur et les