Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/142

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emporta. Depuis ce temps-là, Notre Seigneur a permis à tous les bohémiens de voler… Ah ! j’ai fini, dit l’enfant, en se levant… Je vas m’en aller, mais vous êtes un bon monsieur.

Le pauvre petit m’avait ému. Je lui demandai :

— Voyons, mon ami, ne voudrais-tu pas t’instruire, apprendre un métier ?

— Ah non ! répondit-il vivement… Pourquoi faire ?… J’aime mieux mes routes, mes champs, mes belles forêts, et mes bons amis les oiseaux… J’aurai toujours un lit de mousse pendant l’été ; des carrières bien chaudes, pendant l’hiver, et la charité du bon Dieu qui aime les petits bohémiens… mais vous êtes tout de même un bon monsieur… Adieu, monsieur… Merci, monsieur…

Je lui donnai quelques sous, bourrai son bissac de pain et de viande.

Et gaîment, comme saute un jeune chien, il franchit le seuil de la porte.